Des dessins et peintures signés Le Caravage et d'une valeur estimée à plus de 800 millions de francs ont été découverts par des experts à Milan, en Italie. La municipalité appelle à la prudence dans l'attente d'une confirmation.
Une centaine de dessins et peintures réalisés par le célèbre peintre Le Caravage ont été retrouvés par des experts dans une collection du château Sforzesco à Milan (nord de l'Italie), a affirmé jeudi l'agence italienne Ansa. La mairie, propriétaire de la collection, a toutefois invité à "la prudence".
Ces oeuvres d'une valeur estimée à 700 millions d'euros (environ 841 millions de francs) se trouvaient dans le "Fonds Peterzano", le peintre Simone Peterzano chez lequel le jeune Caravage fit ses débuts artistiques dans sa jeunesse, selon Ansa qui cite les résultats d'une recherche menée par un groupe d'experts italiens.
Sept millions d'euros pièce
La valeur du lot a été estimée à partir du prix moyen de sept millions d'euros obtenu pour les dessins des grands maîtres du XVIème siècle, lors des récentes ventes aux enchères, ont expliqué les experts Maurizio Bernardelli Curuz et Adriana Conconi Fedrigolli, qui ont dirigé pendant plus de deux ans les travaux de recherche.
Ces derniers ont notamment trouvé un billet écrit de la main du Caravage, selon la même source, qui affirme que le document a également fait l'objet d'une étude graphologique qui confirme son authenticité.
La municipalité de Milan, propriétaire du château Sforzesco et du Fonds Peterzano, a néanmoins appelé "à la prudence" dans l'attente d'une confirmation que ces dessins peuvent vraiment être attribués au Caravage.
"Nous serions très heureux d'avoir la confirmation que c'est vrai. Les modalités sont cependant étranges. Nous n'avons été informés de rien, nous découvrons tout à la veille de la sortie d'un ebook de deux experts qui ne sont pas venus récemment au château et c'est pourquoi nous invitons à la prudence", a déclaré à l'AFP Elena Conenna, porte-parole pour la culture de la mairie de Milan.
Un peintre tourmenté
Les scientifiques italiens ont passé au crible pendant deux ans des églises à Milan et dans les environs de Bergame (nord), ainsi que le Fonds Peterzano qui contient 1378 dessins de Simone Peterzano et de ses élèves, dont Michelangelo Merisi, dit Le Caravage (1571-1610).
"Nous avons pensé qu'il était impossible qu'il n'y ait aucun témoignage de l'activité du Caravage entre 1584 et 1588 dans l'atelier d'un peintre qui était à l'époque célèbre et recherché", a expliqué Maurizio Bernardelli Curuz, directeur artistique de la Fondation Musées de Brescia.
Un peintre tourmenté
Les scientifiques italiens ont passé au crible pendant deux ans des églises à Milan et dans les environs de Bergame (nord), ainsi que le Fonds Peterzano qui contient 1378 dessins de Simone Peterzano et de ses élèves, dont Michelangelo Merisi, dit Le Caravage (1571-1610).
"Nous avons pensé qu'il était impossible qu'il n'y ait aucun témoignage de l'activité du Caravage entre 1584 et 1588 dans l'atelier d'un peintre qui était à l'époque célèbre et recherché", a expliqué Maurizio Bernardelli Curuz, directeur artistique de la Fondation Musées de Brescia.
Le Caravage était un élève de Peterzano dans son adolescence, et il a travaillé dans son atelier entre 1584 et 1588. Le Caravage, célèbre pour ses clairs-obscurs dans des tableaux comme "Bacchus", "Le Repas d'Emmäus" ou "Le Sacrifice d'Isaac", a été décrit au théâtre, au cinéma et dans la littérature comme l'un des peintres les plus tourmentés de l'histoire.
Michelangelo Merisi, dit le Caravage
Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage, est un peintre italien, né en 1571 à Milan et mort en 1610 à Porto Ercole. Son œuvre puissante et novatrice révolutionna la peinture du XVIIe siècle par son caractère naturaliste, son réalisme parfois brutal, son érotisme troublant et l'invention de la technique du clair-obscur qui influença nombre de grands peintres après lui, notamment, Poussin, La Tour, Vélasquez, Rubens ou Rembrandt.
Par ailleurs il mena une vie dissolue, riche en scandales provoqués par son caractère violent et bagarreur allant jusqu'à tuer lors d'une querelle , sa fréquentation habituelle des bas-fonds et des tavernes, ainsi que par sa sexualité scandaleuse pour l'époque, ce qui lui attira de nombreux ennuis avec la justice, l'Église et le pouvoir. Il fallut attendre le début du XXe siècle pour que son génie soit pleinement reconnu, indépendamment de sa réputation sulfureuse.
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Garçon mordu par un lézard, 1595-1600 |
L’un des grands apports du Caravage à la peinture est la technique dite du clair-obscur. Dans la plupart de ses tableaux, les personnages principaux de ses scènes ou de ses portraits sont placés dans l’obscurité : une pièce sombre, un extérieur nocturne ou bien simplement un noir d’encre sans décor. Une lumière puissante et crue provenant d’un point surélevé au-dessus du tableau enveloppe les personnages à la manière d’un projecteur sur une scène de théâtre, comme un rayon de soleil qui percerait à travers une lucarne. Le cœur de la scène est particulièrement éclairé, et les contrastes saisissants ainsi produits confèrent une atmosphère dramatique et souvent mystique au tableau.
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Le sacrifice d'Isaac, vers 1603 |
Dans Le Martyre de saint Matthieu (1599, 1600) la lumière du soleil traverse le tableau pour se déverser à flot en son centre, sur le corps blanc de l’assassin et les tenues claires du saint martyr et du jeune garçon terrifié. L’exécuteur, ne portant qu’un voile blanc et pur autour de la taille, semble un ange descendu du ciel dans la lumière divine pour accomplir le dessein de Dieu – plutôt qu’un assassin guidé par la main du démon. Il se pourrait même que le bourreau ne soit pas celui que l'on croit voir au premier coup d'œil. En effet, saint Matthieu est déjà blessé et un groupe de figures prend la fuite vers la gauche. Le bourreau serait alors parmi ceux-là. L'homme porterait alors secours au saint et aurait pris l'épée de la main encore ouverte de l'un des fuyards. L'homme du centre est également vêtu d'un drap comme le sont les deux figures du premier plan.
L'un des plus grands reproches qui lui seront toujours faits est son souci du réalisme frisant l'obsession dans l’exécution de ses figures, ainsi que le choix de ses modèles. Plutôt que de chercher à peindre de belles figures un peu éthérées pour représenter les actes et personnages de la Bible, Le Caravage préfère choisir ses modèles parmi le peuple : prostituées, gamins des rues ou mendiants poseront souvent pour les personnages de ses tableaux. Pour La Flagellation, il compose, comme une chorégraphie, des corps avec un Christ dans un mouvement d'abandon total et d'une beauté charismatique. Pour le Saint Jean-Baptiste au bélier, il montre une petite gouape au regard provocateur dans une pose lascive il a été dit que le modèle était un de ses amants.
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La diseuse de bonne aventure 1595 |
À part dans quelques rares natures mortes exécutées à ses débuts, la figure humaine joue un rôle primordial dans sa peinture, au point d'être une véritable fascination ; ne servant qu’à mettre les personnages en valeur. Et les corps du Caravage sont presque exclusivement masculins, jeunes ou vieux : on ne lui connaît pas de représentation de femmes nues. Il semble aussi avoir une prédilection pour les corps trapus, imposants et dotés de muscles saillants : dans nombre de tableaux, les personnages semblent envahir tout le cadre.
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Le Caravage le joueur de luth 1571 /1610 L’érotisme qui se dégage de ces corps imposants est souvent troublant ce qui lui valut, là encore, de nombreuses critiques. Les attirances homosexuelles et pédophiles du Caravage n’ont guère été établies avec certitude, mais l’observation de son œuvre laisse peu de doutes à ce sujet. Aujourd’hui encore, plus de 400 ans après, l’érotisme du Caravage n'a pas perdu son caractère dérangeant, subversif et ambigu. |
Dans nombre de ses tableaux le peintre choisit des personnes appartenant à la « lie » du peuple prostitués, vagabonds, mendiants, gamins des rues pour modéliser les saints personnages de la Bible, les anges ou les grandes allégories comme l'Amour ou la Miséricorde. Il n'hésite pas non plus à représenter des scènes très religieuses avec une sensualité troublante et crue, parfois frisant l'obscénité ou la pornographie.
Dans cette même logique de subversion mystique, un artiste beaucoup plus récent, le poète et cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, montrera par ses œuvres, sa vie et ses idées des ressemblances étonnantes avec Le Caravage jusque dans leur destin commun puisque après une vie sulfureuse et mouvementée, tous deux connaîtront une mort mystérieuse et inexpliquée sur une plage des côtes italiennes.